Ode à la photographie de paysage :- Un entretien avec Bart Heirweg
Rédigé par Andrea Bruchwitz
Icy sunrise - Jokulsarlon, Iceland © Bart Heirweg
Le photographe Bart Heirweg révèle la beauté originelle de la nature sous une nouvelle perspective. Le Belge a parcouru la Toscane avec son appareil photo, traversé les lointaines contrées glacées de l’Antarctique et exploré les paysages verdoyants de l’Écosse pour montrer au spectateur l’esthétique accomplie de Mère Nature. Avec son talent exceptionnel pour les décors pittoresques et les compositions époustouflantes, Bart Heirweg enthousiasme des milliers de personnes. Nous avons parlé avec lui de sa passion.
Bonjour Bart ! Qu’est-ce qui t’a motivé à devenir photographe ?
Pendant ma jeunesse, j’observais souvent les oiseaux et les insectes. Je passais l’essentiel de mon temps dans la nature et j’examinais tout à la loupe, jusqu’au moment où j’ai voulu réaliser des photographies documentaires avec mon appareil. À ce moment-là, j’avais environ 21 ans. Au fil du temps, en 2004 ou 2005, je me suis découvert une passion de plus en plus forte pour les aspects artistiques de la photographie. Je ne voulais plus me contenter de documenter les choses et j’ai donc commencé à accorder plus d’attention à certaines caractéristiques comme la composition et l’incidence de la lumière. C’est ainsi que j’en suis arrivé à la photographie professionnelle.
Southern emerald damselfly - Ename, Belgium © Bart Heirweg
Tu te concentres exclusivement sur la photographie de paysage. As-tu déjà songé à essayer d’autres genres ?
J’ai toujours été fasciné par la photographie paysagère. C’est ma plus grande passion et j’ai déjà passé tellement d’années dans la nature. Pour une raison que j’ignore, j’y trouve une paix intérieure profonde, je peux me détendre et lâcher prise totalement. J’ai toujours été un amoureux de la nature et je ne pourrais pas exister sans elle. La photographie de paysage me permet de passer mon temps à l’extérieur, c’est pourquoi je suis resté dans ce registre. Je n’aime pas tirer les portraits ni les photos de mariage ; je n’ai fait qu’une seule fois des photos au mariage d’un bon ami, mais je ne me sentais pas dans mon milieu naturel. Je me sens vraiment bien uniquement quand je suis dehors, me balade en forêt, profite du paysage et de la faune et que je m’adonne à la photographie.
Comment décrirais-tu ton style ?
Mon style est plutôt romantique, car j’essaie de montrer la vraie beauté des choses. La composition entre la nature silencieuse, les conditions météo changeantes et la lumière éblouissante peut être époustouflante. Si on demandait à un artiste de reproduire cette beauté unique de la nature, personne n’y parviendrait. Je ne vois rien qui puisse rivaliser avec une telle beauté et une telle grâce. J’essaie toujours de montrer cette magie dans mes œuvres, c’est pourquoi il y a toujours une touche de romantisme dans mes photos.
Metal teeth - Wissant, France © Bart Heirweg
Où puises-tu ton inspiration ?
Le simple fait de marcher dans un vaste paysage et de regarder le ciel m’inspire déjà. J’aime voir comment un paysage se transforme quand la lumière du soleil perce les nuages et tombe sur le plat pays. C’est tout simplement merveilleux de voir comment Mère Nature crée des moments aussi uniques : la faune et la flore sont mes plus grandes sources d’inspiration. Je pars muni de mon appareil photo, je me promène un moment dans la nature et soudain ce sentiment m’envahit.
Quelle est l’importance de la retouche numérique pour toi ?
J’essaie toujours de réduire au maximum les retouches. Ma philosophie, c’est qu’une photo doit être cohérente dès le départ, donc je capture déjà le meilleur moment possible à l’extérieur, dans la nature. Par conséquent, il est important de trouver d’abord le décor idéal, puis de commencer à prendre des photos. Néanmoins, la post-production numérique est nécessaire pour ajouter des contrastes, corriger les couleurs et ajuster la luminosité. Je procède aux corrections les plus nécessaires seulement, je ne supprimerais jamais d’objets et je ne créerais jamais un nouveau ciel avec Photoshop par exemple. Le grand photographe britannique Joe Cornish a dit un jour qu’il fallait retoucher autant que nécessaire et aussi peu que possible. Je m’y tiens.
As-tu déjà retouché une photo au point de le regretter après coup ?
Il peut m’arriver de temps à autre d’augmenter trop des caractéristiques chromatiques comme la saturation. Après le traitement, j’examine l’image et je remarque alors que les tons verts ou bleus sont devenus trop intenses. Mais, en général, j’essaie de m’abstenir et de ne pas miser sur la retouche numérique ; j’espère que mes followers sont du même avis. En résumé, je dirais que la photographie est un art qui nécessite de petites corrections. J’essaie toujours de ne pas dépasser les limites que je me fixe.
Buachaille Etive Mor - Glencoe, Scotland © Bart Heirweg
Qu’est-ce qui, selon toi, est déterminant pour réussir dans le monde de la photographie ?
Certains facteurs sont très importants mais, en tant que photographe professionnel, il faut tous les avoir. Mon travail photographique est le fruit de ma grande passion pour Mère Nature. Je l’ai observée attentivement pendant tant d’années et je me suis lentement rapprochée d’elle - cela prend du temps. Mais dans mon genre, il y a un problème général : beaucoup se prétendent photographes naturalistes alors qu’ils ne sont pas amoureux de la nature. Il y en a qui décrètent du jour au lendemain « Je suis maintenant photographe de paysage » sans pourtant avoir les connaissances techniques nécessaires et la passion en eux. Ils ne savent pas où trouver les meilleurs sujets, comment utiliser la lumière, quelle est la dynamique de la nature et comment tirer le meilleur parti des conditions météo. Ces photographes-là ne portent pas en eux la même passion que quelqu’un qui a passé la plus grande partie de sa vie dans la nature. À mon avis, ces deux points, la passion et l’expertise, sont indispensables pour réussir comme photographe professionnel. Un autre point est l’importance des réseaux sociaux : en tant que photographe, il faut pouvoir promouvoir son nom et s’imposer sur les réseaux. Il faut communiquer avec les utilisateurs et les communautés et inspirer ces groupes. Cela implique aussi de s’adonner à la photographie avec chaque corde de son corps. Ce qui signifie parfois, travailler extrêmement longtemps en étant mal rémunéré. Le dévouement et la passion sont essentiels dans ce travail. Je m’investis à 200 % chaque jour pour la photographie et tout le monde n’en serait pas capable.
La photographie est-elle un métier qui s’apprend ou est-ce surtout le talent qui compte ?
C’est un mélange de savoir-faire et de talent inné. Quand je compare mes vieilles photos à mes travaux récents, je vois à quel point je me suis amélioré. J’ai perfectionné mes aptitudes manuelles au fil du temps. J’ai acquis cette faculté en étudiant d’autres photos et en essayant de nouvelles choses. Mais il faut aussi avoir du talent pour les œuvres exceptionnelles. Mon grand-père, par exemple, était un artiste très doué, il créait des œuvres d’art uniques en bois et en pierre. Moi je n’ai pas ce genre de talent, je ne sais même pas dessiner une figure sur une feuille de papier. Mais j’ai un autre talent : le sens des compositions réussies. Je crois qu’on peut apprendre beaucoup de choses, mais qu’il est indispensable d’avoir un certain talent de base. Je dirais qu’il faut 50 % de talent et 50 % de savoir-faire.
Godafoss - Godafoss, Iceland © Bart Heirweg
As-tu un modèle ?
Il y a certains photographes que j’admire beaucoup, comme les photographes de paysage anglais Joe Cornish, Bruce Percy et Charlie Waite. Ils sont une source d’inspiration pour moi. Il y a aussi le photographe français Vincent Munier, à mon avis l’un des meilleurs de notre époque. Ces artistes créent des compositions équilibrées et ajoutent à leurs images un deuxième niveau plus profond. J’apprends énormément de choses en regardant leurs œuvres impressionnantes.
Quelle est, selon toi, ta meilleure photographie ?
Il y a plusieurs photos que j’aime bien dans mon portfolio, je ne pourrais pas en choisir une seule. Les meilleures photos se distinguent par le fait qu’elles ont un niveau plus profond. Ce sont celles qui présentent une composition inédite ou auxquelles j’ai ajouté quelque chose de différent. En les voyant, j’ai l’impression d’avoir franchi une nouvelle étape, c’est un sentiment incroyable. Si je devais désigner ma photo préférée d’un autre artiste, ce serait sans doute « Mandalay I, Myanmar » de Charlie Waite ou la série « Lofoten 2012 » de Bruce Percy.
Flakstad mountains - Vareid, Lofoten, Norway © Bart Heirweg
Comment réagis-tu aux critiques ?
Eh bien, je n’aime pas particulièrement cela, mais la critique m’est extrêmement utile. Au début, je peux me sentir blessé et ne pas comprendre pourquoi quelqu’un s’est senti obligé de critiquer ma photographie. Mais ensuite, je regarde la photo de plus près et je me demande : quelle peut bien être la raison de ces voix critiques ? Est-ce que j’ai mal jugé cette photo ? Puis-je améliorer quelque chose ? Ensuite, j’essaie d’accepter la critique et de m’améliorer grâce à elle, d’apprendre quelque chose de nouveau. Même les meilleurs artistes du monde sont parfois critiqués, cela arrive.
Quel est ton équipement ?
Je peux vous dire une chose : mon sac est extrêmement lourd. J’ai toujours mon trépied avec moi, indispensable pour la photographie de paysage. J’ai également deux appareils sur moi : un Nikon D810 et un Nikon D4S, ainsi que de nombreux objectifs allant de 14 à 400 mm. Je n’emporte pas tous les objectifs à chaque fois, seulement trois ou quatre. J’utilise également un filtre Formatt-Hitech pour corriger l’exposition. À cela s’ajoutent des accessoires comme des cartes mémoire, des batteries...
As-tu un assistant ?
(rires) Non, je n’ai pas d’assistant. De temps en temps, quelqu’un se propose de porter mon sac et de m’aider, mais je préfère être seul. Je suis plus créatif quand je sors tout seul, je peux me concentrer pleinement sur mon travail en allant où je veux, comme je veux et quand je veux. C’est la seule façon pour moi de créer de l’art : tout seul. C’est différent quand j’organise des ateliers, là c’est l’inverse qui se produit et j’apprécie de parcourir le paysage avec les participants et leur faire découvrir la photographie.
Winter waves - Dyrholaey, Iceland © Bart Heirweg
Quel conseil donnerais-tu aux jeunes photographes de paysage ?
Le meilleur moment pour la photo paysagère est le petit matin. Quand j’ai commencé à faire de la photo professionnelle, j’avais beaucoup de mal à me lever le matin. Mais mon conseil est le suivant : lève-toi ! Lève-toi, même s’il est trois heures du matin ! Devant un magnifique lever de soleil dans l’immensité, on oublie combien le réveil a été dur. Souvent, les participants à mes ateliers me disent qu’ils admirent mes photos de paysages et qu’ils veulent obtenir les mêmes résultats, avec la même lumière et la même atmosphère. Avant d’ajouter : « Mais je n’arriverais jamais à me lever si tôt ». Ce n’est pas une attitude responsable : si tu veux prendre des photos exceptionnelles, tu dois te lever tôt. Un point c’est tout.
Tu as une photo impressionnante dans ton portfolio : « Against the waves ». Quelle histoire raconte-t-elle ?
(rires) Oh, il faisait un temps épouvantable ! J’étais en Islande et ce jour-là, la situation était vraiment chaotique. Il y avait une tempête de neige, des rafales de vent et un ciel très nuageux : je pouvais à peine me tenir debout, le vent soufflait trop fort. Mais c’est souvent lors de ces journées exceptionnelles que l’on prend les meilleures photos. Je voyais les vagues déchaînées se fracasser contre les rochers et les mouettes tournoyer au-dessus, c’était vraiment une scène magique. Au fond de moi, cette voix s’est manifestée et j’ai senti qu’il fallait absolument que je prenne une photo. C’était vraiment un moment artistique.
Against the waves - Rekjanesviti, Iceland © Bart Heirweg | www.bartheirweg.com